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La recherche du pardon

Toute la classe était réunie dans la salle de réunion. Les enseignants avaient décidé qu’ils devaient en parler. Alors ils étaient tous là. Ils attendaient. Le brouhaha se tut alors, laissant place aux parents de Mélanie. Ils regardèrent tous ces élèves assemblés devant eux et ils secouèrent la tête. Ils ne pouvaient rien dire, pas encore.

— Bonjour à tous ! Nous avons décidé, en accord avec vos enseignants, d’organiser cette cellule pour discuter de Mélanie. Parce que nous savons que ça peut être traumatisant de perdre sa camarade.

À ces mots, certains pouffèrent. Lorsque la mère de Mélanie, Françoise, se retourna, elle toisa les deux garçons qui osaient manquer de respect à sa fille. Elle se leva alors, et commença son discours.

— Ma fille était quelqu’un de gentil et d’aimant. Elle n’a jamais rien fait pour attiser votre colère. Vous êtes les responsables et pourtant vous continuez à vous moquer d’elle !

Entendant les propos de la pauvre mère, le proviseur lança :

— Personne n’est responsable ! Ce qui est arrivé est arrivé. Nous ne cherchons pas de coupable.

Sur les lèvres de Françoise se dessina alors un rictus moqueur et ne pouvant se retenir, elle éclata d’un rire jaune. Tous les regards étaient braqués sur elle. Elle prit une profonde inspiration et explosa :

— Ma fille s’est tuée parce que vous la maltraitiez ! Elle s’est tuée à cause de vous ! C’est votre faute, et celle de personne d’autre. C’est la faute de cette classe entière ! C’est la faute de ce stupide corps enseignants qui n’a rien fait ! Bordel, elle souffrait !

Et les larmes coulèrent à flots. David, son mari, se leva et la prit dans ses bras, ne pouvant se retenir de pleurer. Ah, qui aurez pu se douter qu’ils en avaient encore la force… Se redressant, elle essuya ses larmes et reprit d’une voix étranglée par l’émotion :

— Elle a laissé une lettre. Une sorte de lettre d’adieu. Elle y explique ce que vous avez fait. Elle dit qu’au final, ça ne sert à rien de vous blâmer parce que à l’intérieur de vous-même, c’est certain, vous n’y êtes pour rien. Parce que pour vous, ce n’était qu’un jeu… Mais je ne suis pas d’accord !

Elle cessa de parler, prise de hoquets. Elle s’assit alors aux côtés de son époux, qui lui serra fort la main, lui prêtant un peu de sa force.

Le silence s’était abattu sur la salle comme un marteau sur son clou. Plus personne n’osait prononcer un mot de risque de s’attirer les foudres de Françoise. Une enseignante, cependant, prit la parole :

— Je le savais. Je savais très bien que Mélanie était victime de harcèlement de la part de ses camarades. Fit-elle en regardant fixement ses élèves.
— Personne n’a été victime de harcèlement ici, ce n’était qu’un malheureux accident ! Trancha alors le proviseur.

Tous hochèrent la tête, approuvant sa remarque. L’enseignante plissa les yeux et d’une voix résolue, elle poursuivit, coupant Françoise qui s’apprêtait à hurler sa colère :

— Si ! Et ça ne sert à rien de le nier ! Mélanie était persécutée par sa classe. Et même si certains diront qu’ils n’ont rien fait : laisser faire et participer c’est du pareil au même. Quand j’ai remarqué sa souffrance et le comportement des élèves, j’ai décidé de lui parler. Mais, elle ne voulait pas de mon aide. Je lui ai offert un livre vierge pour qu’elle y couche ses états d’âmes, une façon d’extérioriser sa haine et sa douleur. Je n’ai pas réussi. J’ai échoué en tant qu’enseignante. Nous avons tous échoué. Parce que j’ai vu trop tard sa détresse…

 

David, qui n’avait jusqu’alors rien dit, murmura, dans un silence de plomb :

— Je ne voulais pas venir. Je ne voulais pas les voir. Je ne voulais pas voir ces meurtriers ! Et maintenant que je suis là, je n’ai qu’une envie : tous les voir souffrir !

Le proviseur s’écria alors, furibond :

— Comment pouvez vous dire une telle chose ? Ce ne sont que des enfants !
— C’est la douleur d’un père et d’une mère. La douleur d’avoir perdu son unique fille, à cause de gamins qui ne se sentent même pas responsable de sa mort. Lâcha l’enseignante.

***

L’air était chaud. C’était bien la seule chose qui semblait l’être encore. Entre embrassades polies et pleurs étouffés, David et Françoise regardaient la tombe de leur fille. Elle était morte à 16 ans. Sans avoir eu l’occasion de véritablement vivre. L’enterrement venait tout juste de se terminer et ne pouvant plus supporter la vue de cette pierre funèbre, ils partirent sans se retourner.

Déborah attendait derrière un arbre, un peu à l’écart. Elle attendait que la foule se dissipe, pour aller rendre un dernier hommage à la jeune fille. En face des conséquences de ses actions, elle perdit son regard dans le vide, à la recherche d’une quelconque rédemption.

Cette nouvelle s’inscrit dans l’univers de la deuxième nouvelle du recueil Douloureuse souffrance : « Un autre jour »

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