Toujours se retrouver : extrait
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"Nairobi, cinq heures du matin. L'hôpital était tranquille. Quelques infirmières s'affairaient pour s'enquérir de la santé des patients. Une femme, cependant, pleurait sans bruit pendant qu'un homme la fixait du regard sans oser s'approcher. Une infirmière passa alors et s'immobilisa à l'embrasure de la porte de la chambre. Elle secoua la tête, désolée, et reprit son chemin.
- C'est déjà la troisième fois, fit l'homme d'un ton calme.
La femme releva la tête et l'observa. Elle connaissait le côté détaché de son mari mais cette phrase, prononcée sans une once d'émotion, la toucha profondément et elle se mit à hoqueter un peu plus fort, si bien que le silence de l'hôpital fut brisé par les halètements d'une femme blessée.
- Je pensais que partir au Kenya te ferai changer d'air. Je pensais que c'était notre vie en France qui te bloquait. Mais, Julia, c'est ta troisième fausse couche. Je n'en peux plus.
Sur ces mots, la femme explosa de colère :
- T'en peux plus ?! Parce que c'est toi qui porte un bébé pendant des mois et des mois pour qu'au final, il meurt avant même de sortir, hein ?! - Je comprends ta colère. Mais, si le Kenya n'a rien changé, rien ne changera. Tu ne peux pas avoir d'enfant. - Arrête ça, Clément ! Les médecins disent qu'il n'y a rien d'anormal chez moi ! Ils disent qu'on doit persévérer ! Il faut qu'on continue, tu m'entends ? Regarde-moi quand je te parle, Clément ! On doit continuer !
L'homme se redressa alors et fixa Julia dans les yeux. Elle était vraiment très belle, pensa-t-il, mais ce « on » n'était désormais plus de mise.
- Je vais partir, Julia.
Trois mots, seulement trois mots... Elle fondit en larme et d'une petite voix implorante, elle souffla :
- Tu vas partir ? Tu vas me laisser ? M'abandonner ? Comment je vais faire pour m'en sortir si je suis seule ? Tu peux pas ! Clément, s'il te plaît, tu dois rester avec moi ! On doit se soutenir ! J'ai besoin de soutiens, Clément ! - Je suis désolé Julia mais je dois partir. J'ai besoin d'être seul pour faire le point. C'est la troisième fois, Julia, la troisième fois... répétait-il tel un mantra. - Tu crois que je sais pas ?! hurla-t-elle alors.
Elle allait crier de plus belle quand elle vit sur le visage de son mari, pourtant si calme et posé, des ruisseaux de larmes. Elle se radoucit alors, et demanda comme une prière :
- Tu reviendras ? Dis, mon amour, tu reviendras ?
Il la fixa longtemps, et d'un haussement d'épaule, il quitta la chambre.
Nairobi, cinq heures trente du matin. Le silence de l'hôpital était entrecoupé des hoquets d'une femme abandonnée et des pas d'un homme bien décidé à oublier."
